Flandres Auto Rétro

Club de passionnés de voitures anciennes de la région lilloise

François mon gendre est contaminé par le virus de la voiture ancienne, il rêve d’une 504 cabriolet ou coupé. Hélas son budget de jeune marié ne lui offre que des épaves trop  corrodées. Après d’incessantes recherches et par hasard, via le site web webmycar.com, près de la frontière Belge, à Jeumont une Lancia Fulvia l’intéresse. Le mercredi 03 octobre 2007, je découvre dans une pâture à l’arrière d’un garage Ford, une superbe épave de Fulvia série 1 rallye S de 1970, presque complète, moteur tournant selon le propriétaire, bien décidé à nous la vendre contre bons soins  au prix de 600€, malgré des propositions d’autres acheteurs plus intéressés pour en faire une banque de pièces.

Le samedi 13 octobre 2007 l’auto est rapatriée dans le garage familial, en perdant au passage sur la N 49 la grille de ventilation du capot moteur. Grand moment de bonheur ! Arrivée à la maison  l’inspection me laisse craindre  un long et coûteux chantier. Il s’agit réellement d’une épave incomplète et  bidouillée ! L’inventaire des pièces démontées confirme l’absence des clés égarées (par le propriétaire dans la forêt de Raismes !) les planchers, bas de caisse, bas d’ailes enjoliveurs de roues sont à remplacer, le tableau AR est douteux, les ouvrants sont très corrodés et il manque une foule d’accessoires, pas de roue de secours ni trousse à outils ni cric. Les freins sont en puzzle dans le coffre. Après des heures d’effort, une vidange et une pompe à essence neuve, le moteur daigne tourner dans des claquements sinistres, l’embrayage est collé, le réservoir d’essence  plein d’un mélange nauséabond du fait de la corrosion de son revêtement intérieur et de la dégradation du super.

Pour sa première restauration, François attaque très fort.
Il s’agit d’une Fulvia série 1 dont les revues mentionnent : la complexité et le coût du système de freinage, la présence d’ouvrant en aluminium et la rareté des pièces! Pour mémoire c’est en 1969 que le groupe Fiat rachète Lancia expliquant ainsi la rationalisation de la production et les différences fondamentales des Fulvia série 1 vis-à-vis des série 2 et 3.
Nos origines scientifiques nous obligent à trouver de la  littérature sur le modèle dont j’admire la finesse de la ligne due au dessin de Pietro Castagnero. Possédant le catalogo delle parti di ricambio de mes vieilles Alfa, j’en espérais tout autant pour la Lancia. Rien, neni, pas de littérature et la  RTA n’a jamais existé. Laurine, ma fille et épouse de François décide de nous aider et trouve sur le web la documentation. Elle  nous offre  après de longues séances d’imprimante une volumineuse revue technique imparfaite mais réelle.

Nous découvrons que la Fulvia possède bien son numéro de série 1,  818 360 sa culasse de série 1, 1300 S,  mais pas son moteur ni sa boite provenant d’une série 2 puisque la boite a 5 rapports avec première en bas !
Les moments de joie et de désespoir vont s’alterner.  La chasse aux pièces est ouverte. Tous les ouvrants sont à remplacer, de plus ils sont en tôle d’acier et non en aluminium !  Yves, un mordu de notre club, nous prête son Mercedes Sprinter et le 11 janvier 2008, suite à une annonce parue dans Gazoline, nous partons François et moi chercher les ouvrants et d’autres « bricoles » à St Etienne chez un passionné d’italiennes anciennes. L’adresse est bonne mais pas les 1485 km réalisés sur la journée dont la moitié vent de face. La restauration peut débuter, les freins en partie démontés sont H.S le mécanisme de frein à main inexistant. Les étriers Dunlop (idem Jaguar) sont confiés à la société ISF comme le maître cylindre et le répartiteur à bille, un plaisir à démonter et une véritable découverte pour ce professionnel du frein. Afin d’éviter tout litige en famille comme envers certains professionnels, les montants engagés durant ce long chantier ne seront pas révélés. Durant l’hiver, François démonte toute l’auto, la sellerie, le tableau de bord, les tubes de frein, l’échappement etc, tout est vérifié nettoyé repeint et stocké à la maison ; sans rapport, ma fille nous annonce que nous allons être grand parent ! Elle bénéficie désormais d’une dispense de nettoyage et peinture de pièces. L’achat de pièces se poursuit en fonction également du budget du futur Papa, ses parents et ses frères y participent.

Au garage de la maison, on ne mollit pas. Le moteur est sorti après une joyeuse séance ou dextérité et souplesse sont nécessaires pour le démontage des vis BTR le reliant à la boite. Nous décidons de ne pas  la démonter suite aux nombreux témoignages ventant son coté indestructible, elle sera vidangée. Le moteur est ouvert. Le diagnostic est sans appel : la chaine de distribution est H.S, son gicleur d’huile cassé a disparu. Les pistons ont tapé sur les soupapes, des segments sont cassés, les coussinets H.S. également,  et je découvre le remplacement de 2 vis de culasse par des tiges filetées avec écrou+contre écrou « la vrai bidouille. »

Le moteur est totalement démonté, le bloc est confié à  un rectifieur de  Roubaix pour un déglaçage des cylindres, Le vilebrequin est parfaitement nettoyé, mesuré, il est en cote d’origine en bon état, les bielles retrouvent de nouveaux pistons, équipés de segment neufs, elles sont pesées, Cavalitto, le fournisseur italien doit nous  renvoyer une 2eme série de segments racleur reçus cassés lors de la 1er livraison. Le jeu latéral de l’axe de pompe à huile est repris. Tout est rassemblé avec joints neufs.

La  caisse  dépouillée à grand renfort de photos numériques, part ce 13 juin 2008 chez Jean- Marc, le carrossier (garage de l’Epinette à Lille) Avec son compère, Christian, ils constituent un duo efficace dans la pratique des anciennes. Les travaux de l’artiste vont s’étaler durant 7 mois. Les pièces de tôlerie neuves proviennent d’Angleterre  (Omicron) pour le panneau arrière et des Pays Bas (Automobilia) pour les planchers, bas d’aile,  bas de caisses. La pose du panneau arrière permet de constater un défaut d’alignement de l’aile arrière gauche. L’auto a tapé,  Jean Marc découvre les traces d’une réparation douteuse puis reprend au « marteau  » l’aile arrière. Découpe, soudures, meulage, ajustage résonnent au garage et dans la foulée  notre fabuleux Jean Marc finalise les  soudures  à l’étain. L’auto retrouve se teinte d’origine le Bleu Mendoza durant l’hiver.

Durant ce temps, la consultation des annonces, merci Gazoline, et les déplacements ont permis la découverte d’un véritable réseau de fondus de la marque ou du modèle. Un autre sympathique Christian carrossier dans les Alpes Maritimes nous fournira (en 3 passages durant les vacances de chacun) un essieu AR complet avec la commande et les câbles de frein à main, remonté sur remorque par Xavier le frère de François,  une trousse à outil, une culasse de série 2, les poignés de porte, les optiques de phare, serrures, pare-choc AR le câble de compte-tour et quelques logos, un Belge  (près de Aix la Chapelle) les silentbloc neufs du moteur, les durites et d’autres bricoles, nous y découvrons le fonctionnement du blocage de la direction de marque Bloster (une grande particularité de la Fulvia série 1) la mémoire nous revient une clé  de cette marque est en vrac dans les pièces démontées ! Effectivement c’est la bonne. Le mas des Lancia à l’entrée de Fréjus nous fournit l’échappement complet (neuf à bon prix) les poignés de portes les vis de culasse, quelques baguettes, compas de sièges et l’allume cigare.

Le remontage du moteur se poursuit durant l’automne et l’hiver 2008, la culasse de série 2 est dépourvue de la commande de compte tours. Un ami de notre club Flandres Auto Rétro, Olivier possède une société de mécanique générale de grande technicité, il va donc percer et usiner la culasse recevant ainsi le pignon et la commande de compte tour conforme à la série 1. Le moteur remis en route va consommer son joint de culasse en moins de 2 minutes ! Démontage, vérification et  constatation : d’une longueur différente des vis de culasse ! Différence également du joint de culasse précédemment acheté ! Radiographie de la culasse par notre vétérinaire bien aimé et  ultime précaution, utilisation d’une clé dynamométrique étalonnée ! Le 19 novembre 2008,  François est Papa !  Laurine a donné naissance à Baptiste.

En mai 2009, les freins sont posés offrant aux passages quelques fuites et nous constatons le non fonctionnement du maître cylindre ! Démontage et retour en garantie. A la deuxième tentative les Dunlop freinent enfin.. Le frein à main retrouve ces gaines de câbles, nous réglons les plaquettes de frein à main mais les câbles récupérés sur le pont  sont « élastiques » à chaque essai de frein, ils s’allongent ! Nous devons les remplacer par du neuf !  Je récupère les jantes parfaitement sablées puis nous perçons avec taraudage les 3 fixations par roue des enjoliveurs extérieurs. Les jantes sont repeintes par Jean Marc et équipées de magnifiques 165/14 équilibrés avec plomb à l’intérieur par Richard de DK pneus Lille ; la Fulvia va pouvoir rouler en la poussant.

La remise en route du moteur est laborieuse mais enfin le petit V4 ronronne. Le grave problème vient de l’embrayage dont la pédale ne revient pas ? Le mécanisme est neuf, le disque également mais pas la buttée conservée du fait de sa différence avec le kit Valéo. Nous réglons parfaitement la garde, le câble est neuf, le ressort de rappel de la fourchette également mais rien n’y fait. Le mal provient de l’axe de pédale trop dure malgré une régulière dose de dégrippant. Il nous faut redémonter toute la colonne de direction, dérégler ainsi les contacts de clignotant/phares, de l’appel de phare, le charbon contact de klaxon, du contact tournant sur le flector sniff….

Le démontage de cet axe en acier fileté avec portée conique plus clavette bateau relié aux pédales est un cauchemar, l’arrache ne passe pas, nous ne pouvons procéder par choc violent du fait du support en alu d’une seule pièce avec la colonne de direction. Les amis du garage de l’épinette y parviendront ! La classe. Dans la série « les déboires continus » une nouvelle fuite de liquide de refroidissement est apparue, dans la voiture ! Le radiateur de chauffage nécessite sa réfection avec une nouvelle dépose d’une partie de tableau de bord. La finition et le remontage de la carrosserie occupent François durant la belle saison. Il profite de refaire le ciel de toit. Après son démontage, la dépose des arceaux tous de longueur différente son repeints et sa Maman prof de maths en retraite assure la coupe et la couture du nouveau ciel de toit dans du ski neuf. Félicitations à Annie. La pose occupe de nombreuses heures, les joints de portes sont remplacés. La rencontre du doigt de François avec le cutter est saignante… Les vitres sont reposées. Le par brise est neuf, François est allé le chercher à Reims (Europarts). Re séance de galère pour le poser par une forte chaleur avec son joint neuf.

La partie électrique va nous occuper également une bonne partie de l’été. Toutes les masses sont refaites sur la partie arrière de l’auto, la centrale de clignotant est neuve, le contact de marche arrière sur la boite a disparu, il est facilement remplacé par un contact Bosch provenant de Volkswagen (Mécatechnic) Tourcoing. Les phares en revanche pose problème. La Fulvia offre la particularité d’une commande d’appel de phare au centre du volant et d’un inverseur code/phare par la manette de clignotant en contact par 4 linguets sur la colonne de direction dont un est relié sur un contact tournant au niveau du flector de l’arbre de direction. Pour corser l’exploit, la puissance électrique des phares passe intégralement par le contact rotatif de tableau de bord, le relais ne servant que de bascule code/phare, tout est alimenté par une batterie de fusible dans un tiroir sous la boite à gants. Que du bonheur. Merci à François pour sa patience comme à un  contact sur le site Lancia qui nous a offert le circuit électrique des phares redessiné à la main et ainsi compréhensible. La consommations de jurons est en hausse et ce joyeux délire électrique désormais fonctionnel permet la pose du tableau de bord en bois  intégralement refait par un ébéniste, ami de François, Thibaut De Monte installé à Merris, chapeau l’artiste pour ce plaquage d’acajou avec biseau autour des compteurs.

Le samedi 29 août 2009, François respecte ses engagements, accompagnant son ami  Djoule à sa cérémonie de mariage, il fait très beau, la Fulvia se rode durant ses 5 premiers kilomètres.
Il nous faut pourtant finaliser l’auto par le remplacement des transmissions en  repartant pour une séance galère ! La fabrication par Alexis mon autre gendre également contaminé (Alfa giulia bertone GT junior 1967), des outils à gorges spécifiques nous permet sans difficulté de démonter les arbres de roue. Le  remplacement des soufflets et cardans ne pose pas de problème mise à part l’obligation d’acheter ces pièces en Italie .Le remplacement des joints spi de sortie de boite nécessite la dépose de circlips. Je souhaite à ce sujet faire une aparté. Souhaitant me faciliter la tache pour extraire ces circlips, j’ai acheté chez Norauto une nouvelle pince vendue pour cet usage. Le produit mis en rayon par cette enseigne  après une unique utilisation convient parfaitement aux magasins de jouet ou aux boutiques de décoration. ! Cet outil s’il est possible de le nommer ainsi possède 2 becs fabriqués en métal mou ! Un acheteur doit se féliciter d’obtenir une bonne marge sur ce produit ! Cette publicité est gratuite…. Nous découvrons au passage un jeu excessif sur le roulement de roue A.V. droit. Les roulements sont des RIV SKF 14110. Alexis en cherchant, nous explique l’origine de la société  RIV  une société italienne rachetée dans les années 60  par SKF. La référence devient donc SKF  633032 ou  FAG 510917B. Introuvable dans le réseau industriel. Ami Lancia en mal de roulement, ces références ont des cotes particulières et sont impossibles à remplacer par d’autres modèles, sniff.

Le démontage nécessite une autre clé à 6 gorges d’un diamètre de 95 permettant de desserrer un écrou à créneau immobilisant le roulement à l’intérieur du moyeu. L’outil est fourni par Denis Boulois un outre  mordu de la Fulvia, du loctique 8040 est consommé, un bidon de jurons plus tard, une barre d’un mètre cinquante éclate l’ongle du majeur gauche de François durant l’effort l’obligeant à  consulter la clinique des mains. Le moyeu est démonté, il est conduit en punition à Christian au garage de l’Epinette, la compétence et  la clé pneumatique à choc achève l’opération. Les rotules sont remplacées, les joints de rotules, les graisseurs également. Nous en profitons dans la foulée pour remplacer les joints de sortie de boite, les paulstra sont à droite en 35 52 10 et à gauche en 35 62 10. En simple gorge mais avec sens de rotation ! Introuvable sur le marché, nous posons des doubles gorges.

Le 08 octobre 2009, 2 années après la découverte, la Lancia obtient sont contrôle technique, le freinage est top, il reste un jeu mineur sur une rotule de direction et sur le chemin du retour François se fait contrôler par la Gendarmerie Nationale : tout est en ordre vous pouvez circuler. Il ne va pas se gêner.

Epilogue.
François engage sa Fulvia à un premier rallye de régularité en février 2010 (RRNO) dès le départ d’Armentières,  la dynamo vérifiée avec des charbons neufs lâche et comble de bonheur, elle serre ; en bloquant la poulie du ventilateur ! Cela ne l’empêche pas de finir le rallye sans ventilo (nous sommes en février) en surveillant l’indicateur de température d’eau et en échangeant sa batterie avec celle de son cousin. Après expertise, le faisceau électrique de la dynamo est fondu sous son gainage, le rotor et le stator sont pulvérisés, le régulateur électronique HS, une dynamo ne peut recevoir et fournir du 12 volts ! François câble en fil et cosses neufs le circuit, installe un régulateur neuf classique et une dynamo d’occasion provenant d’Italie (Spitline).
Le 9e Grand Rallye du F.A.R. se déroule du 20 au 24 mai 2010. La Fulvia équipée d’un siège enfant balade dans la Manche  François, Laurine et Baptiste sous un merveilleux soleil.  1500 kilomètres de pur bonheur sans aucun déboire.

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